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Confinement #2 : une sortie

Vendredi, un peu avant midi, je suis sorti. C’était une première depuis l’instauration du confinement mardi. En réalité c’était même une première depuis le vote de dimanche dernier. Dimanche soir, lundi, j’avais une petite forme, une petite toux, un petit mal de gorge, une petite fièvre. Je ne saurai sans doute jamais si ces quelques symptômes émanaient d’une forme légère du Covid-19. Sauf à l’avoir vraiment, à un autre moment. Bref, je n’avais pas mis le nez dehors depuis dimanche.

En soi, ne pas sortir pendant cinq jours n’a rien de forcément exceptionnel (une bonne grippe arrive à peu près à ce résultat). Évidemment le fait de savoir que ça ne relève pas d’un choix mais d’une contrainte, la consultation régulière de l’actualité et l’écoute des discours gouvernementaux donnent à cette expérience de confinement (on va l’appeler comme ça, c’est le terme consacré) un caractère bien différent de celui d’une simple retraite spirituelle. Et la petite originalité de se signer une autorisation donne à toute sortie un caractère un peu solennel.

En tout cas, dans une retraite spirituelle ou un confinement, il se trouve que les réserves de nourriture viennent toujours à s’amenuiser et qu’en l’occurrence, sans devenir impérative séance tenante, la sortie en question devenait plus qu’utile. Je me signe donc mon petit bon de sortie, et je pars d’un pas vaillant vers les commerces de nourriture ouverts. Pour l’anecdote, la première personne que je croise en sortant est Dominique Gros, qui va devoir conserver son mandat de Maire quelques semaines (mois ?) supplémentaires, et les rênes de la ville dans un moment difficile. On échange quelques mots, de loin. Ça a un côté rassurant. Le parcours vers la Place de Chambre, la rue d’Estrée, la Place d’Armes n’a finalement pas grand chose de très surprenant (j’ai déjà parcouru la ville un peu déserte, à certaines heures, ou certains jours de l’année). Mais deux choses m’impressionnent tout de même : le silence, sans doute provoqué par l’absence quasi complète de circulation. Et une sorte de tension dont a l’impression qu’elle est palpable. Elle n’est peut être que dans mon esprit. Et sans doute dans ce silence étonnant.

Arrivé en bas de la Fournirue, j’aperçois une queue qui sort du centre Saint Jacques, pour y accéder. Je crois que j’ai failli renoncer en me disant que bon, j’avais encore de quoi manger pour quelques jours quand même. Et puis tout de même, toute cette aventure ah ah, ce bon de sortie, je vais quand même faire la queue pour voir si ça avance rapidement. Spoiler : non. Twist : j’avais raté qu’il y avait deux entrées et que pour accéder à Naturalia, pas de queue, celle ci ne concernait que Auchan. En passant la file des Auchanistes, je me suis soudain senti comme un infâme bobo privilégié. Un peu comme quand tu as une entrée VIP pour un club. J’avais envie de leur dire « vous savez le paquet de pâtes n’est qu’à 1€20, venez ! ». Mais s’ils cherchaient du PQ ça n’aurait servi à rien (il n’y en avait plus).

Après avoir fait des courses bien plus conséquentes qu’à l’habitude (puisqu’il semblerait que le projet soit de mettre le moins possible le nez en dehors de chez soi), je suis reparti de l’autre côté, Place Saint Louis, puis remonté vers la rue Serpenoise, où j’ai fait cette photo, là, à droite. Là aussi, finalement, je l’ai déjà vue toute aussi déserte, cette rue. Sans doute pas un vendredi de mars, entre midi, alors qu’il fait beau et bon. Sur la gauche de la photo, en dessous de l’enseigne printemps, tu apercevras peut être un homme. J’étais un peu loin, mais il avait l’air assez vieux, il avait l’air de transporter sa vie dans ses sacs. Il faisait quelques mouvement d’assouplissements. Je l’ai regardé un peu, après avoir fait la photo. Étrangement, c’est à ce moment précis que me sont venues en têtes les images des innombrables films et séries post-apo-zombie.

Après ce petit moment perdu dans mes pensées, j’ai repris mon chemin et immédiatement croisé quelqu’un que je connaissais, on s’est salué (de loin) et l’on allait dans la même direction alors on a bavardé (de loin). Ça m’a sorti de ma torpeur post-apo. Tout comme les conversations avec les commerçants, ensuite. Chez Remy, on devise de la ruée du début de semaine, puis « il n’y avait personne le mercredi, là ça reprend un peu… nous tant qu’on a personne de malade dans l’équipe et tant qu’on est approvisionné, on continue ». Au marché couvert, dans lequel un mode de circulation et de mise à distance -que je n’avais toujours pas compris en en repartant- a été mis en place : « je préfère venir travailler, j’ai mon salaire et puis ça évite de trop cogiter ».

En repartant du marché couvert, je cogitais un peu, du coup. Forcément. Je me suis subitement demandé si tout s’aggravait, si des survivants retrouvaient la ville dans quelques décennies, ce qu’ils pourraient penser de nos affiches. Et de nos locaux de campagnes pour les municipales.

Sur le chemin du retour, je suis passé sur le Moyen Pont, depuis lequel on voit le Temple Neuf. Depuis que j’habite au centre ville de Metz, je n’en ai jamais trop été éloigné. Lui aussi, a eu un effet rassurant.

Et j’ai, pour un temps, arrêté de trop cogiter.

1 Comment

  1. J’adore ! … Ambiance sortie extra-véhiculaire… Moi qui n’ai pas vu le cœur de Metz depuis 2 semaines, je viens d’y déambuler quelques minutes. Merci Nicolas

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