Ami lecteur, c’est la deuxième année que je me rends au festival Primavera Sounds. Mais pas au même endroit. L’an dernier c’était à Barcelone, qui est la ville d’origine du festival. Et à la fois la programmation, l’ambiance, les espaces du festival m’avaient séduits. J’envisageais donc d’y retourner cette année, mais un live de Melatonine au JdM est tombé sur les mêmes dates. Qu’à cela ne tienne : il se trouve que Primavera organise depuis 2012, une édition parallèle du festival a Porto une semaine après Barcelone, le NOS Primavera Sounds (en attendant l‘édition Los Angeles en 2020). La programmation y est un peu réduite (cinq scènes à Porto contre une quinzaine à Barcelone) mais à l’arrivée, c’est un festival tout aussi enthousiasmant.
Déjà le site du Parque da Cidade est assez idéal pour installer quelques scènes en donnant l’impression d’être dans un festival quasi-champêtre (tout en étant à vingt minutess du centre de Porto) et sans tomber dans le gigantisme (assez bluffant il faut le reconnaître) du Parc del Fòrum barcelonais. Et il semble bien que l’organisation que j’avais déjà trouvée remarquable à Primavera Barcelone gagne encore un cran ici : service de sécurité ultra-discret (à noter que c’est la police de porto qui assure la fouille -légère- à l’entrée et pas une entreprise privée), toilettes sans attente, pas plus qu’au bar, pintes à 5€ (et grands verres de Porto au même prix), large choix de nourriture assez peu onéreuse, passages bucoliques entre certaines scènes… voilà pour le cadre. Et le cadre, cette ambiance, ami lecteur, pour un festival ça fait beaucoup. Le résultat s’en fait d’ailleurs ressentir du côté du public : très familial, des générations très variées.
Mais bon, la programmation d’un festival ça compte aussi, me feras tu remarquer, ami lecteur. Et tu auras bien raison. Mais de ce côté, Primavera ne déçoit pas.
Jeudi soir (6 juin), la bonne surprise pour moi est venue de Jarvis. Je n’avais jamais vu Jarvis Cocker en live (ni Pulp, malgré toute l’affection que j’ai pour le groupe) et je ne sais donc pas si nous sommes particulièrement bien tombé ici. En tout cas tout y était : la classe du dandy anglais, de très bons morceaux (son Evolve qui vient de sortir est excellent, ironique autant qu’efficace), un groupe, un son nickel, un « nouveau nom » : JARV IS. Le garçon écume les scènes depuis 25 ans mais il a encore de beaux jours devant lui.
L’incroyable Jarvis Cocker.
— Nicolas Tochet (@nicolastochet) June 7, 2019
Concert génial. #nosprimaverasound #porto pic.twitter.com/ImxqcVkjTZ
Danny Brown était aussi une grosse claque de ce jeudi soir. Avec une énergie incroyable, le rappeur enchaîne une série de bombes hip hop, toutes aussi efficaces les unes que les autres. Son live de Barcelone est en ligne, n’hésite pas à aller écouter ça.
Et aussi aperçus le jeudi : Built to Spill, Let’s Eat Grandma, Stereolab, Solange…
Le vendredi était nettement plus marqué « rock ». D’ailleurs, en arrivant sur le site vers 19h30, c’est sûr les espagnols de Lisabö que l’on tombait, excellent groupe noise qui existe depuis 1998 et qui n’a visiblement rien perdu de son efficacité.
Shellac, de leur côté, sont un peu devenus une tradition à Primavera. Depuis 2009 ils sont présents à chaque édition, Barcelone comme Porto. Je ne sais pas d’où vient cette bonne habitude, mais en fan du trio de Chicago, je ne vais pas m’en plaindre. D’autant que comme le bon Porto, ils se bonifient avec l’âge. Ils semblent tellement à la maison qu’ils ont commencé leur set en avance pour lâcher une heure de ce rock tendu, nerveux, au son inimitable. Le lendemain à 16 heures, ils jouaient sur une petite scène a l’entrée du festival, pour accueillir les premiers spectateurs. Infatigables.
Interpol aussi semble infatigable. J’appréhendais presque autant que j’attendais ce concert, n’ayant pas vu le groupe depuis bieeeen longtemps et ayant tant aimé Turn On The Bright Lights, cet incroyable premier album de 2002. La déception aurait pu être au rendez vous, et ce n’était pas le cas : tubes du premier album et titres plus récents, jeu de lumière sobre et efficace et surtout une énergie froide et classieuse à la fois pour une interprétation impeccable de ces morceaux formidables qu’ils ont composé au cours de ces quinze années. Un groupe à voir, à revoir.
James Blake pour finir ma soirée ce n’était peut être pas le choix idéal. Beau, touchant. Mais peut être pas adapté à cet horaire après des lives aussi énergiques, dans ce parc immense. Alors que les versions live de ces morceaux étaient clairement intéressantes, ça m’a surtout donné envie de rentrer m’écouter son entière discographie en rêvant le voir en concert dans un lieu plus intimiste.
Aussi aperçus le vendredi : Courtney Barnett, J Balvin, Aldous Harding, Fucked Up,…
Dans la série des groupes des années 1990 qui ont toujours une classe folle, Low se pose là. Leur musique est à la fois belle et douce, découpée en longs mouvements, et plein de montées très progressives, parfois noise, toujours mélodiques. Un concert hypnotique duquel on n’a pas jamais l’envie de se détacher. Pour te faire une idée, il y a ce live sur Youtube que je me garde pour une longue soirée d’hiver.
Le phénomène du vendredi soir, c’était indéniablement Rosalía. Si elle s’est faite connaître par le tube Malamente, ses chansons vont bien plus loin que ce mélange de flamenco et de musiques de l’époque (r&b ou electro). Un live touchant, prenant, marquant. Et puis Rosalía compose et écrit, chante et danse et son show semble déjà rodé pour affronter les stades d’un monde qui semble promis à quelques années de Rosalía. Et on ne va pas s’en plaindre.
Même si j’ai encore entendu un peu de musique au Parque de Cidade après eux, le dernier gros souvenir qu’il me restera de ce Primavera Porto 2019 est le live de Modeselektor. Monstrueux de son et d’énergie. Et ça tombe bien, Primavera a mis le live de Barcelone en ligne, je te laisserai donc avec la vidéo ci-dessous.
Aussi aperçus le vendredi : Guided by voices, Yves Tumor, Snail Mail, Erykah Badu, Big Thief…
Vu depuis ce billet de blog, ami lecteur, Primavera peut te sembler un festival nostalgique des années 1990. Mais c’est simplement que Low, Interpol, Shellac ou Jarvis Cocker sont des artistes que j’aurais bien du mal à esquiver en sachant qu’ils jouent sur la scène d’à côté. Pour les découvertes, on attendra donc l’année prochaine. Même si, forcément, je serai à nouveau devant le concert de Shellac.
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