Melatonine - Stances
We Are Unique Records (2019)
album remarquable aux éclatantes nuances – New Noise
En déclinant une identité musicale singulière, en partie influencée par la scène indie rock américaine d’alors, le trio a su lui aussi faire de ses passages atmosphériques une marque de fabrique, tout en y ajoutant une pincée d’un math rock débarrassé de toute complexité indigeste et prétentieuse. – MOWNO
Alors qu’on ne cesse de souligner le puit sans fond qu’est devenu le post rock, le genre n’a peut-être jamais connu une période plus faste que le début des années 2000, ce moment qu’a choisi Melatonine pour se faire un nom. En déclinant une identité musicale singulière, en partie influencée par la scène indie rock américaine d’alors, le trio a su lui aussi faire de ses passages atmosphériques une marque de fabrique, tout en y ajoutant une pincée d’un math rock débarrassé de toute complexité indigeste et prétentieuse.
Différents, presque en avance sur leur temps à l’entre-deux siècle, les messins offrent avec Stances un nouvel instantané de leur musique, bien assise sur sa diversité, sa simplicité, comme sur la parfaite maîtrise de ses basiques (John Walsh). On avance ainsi en terrain familier, dans des ambiances presque prévisibles (Deux Mille Cinq), avant d’entendre plus nettement des influences rock (Prohibitited Records pour la France, Dischord pour les Etats Unis) soulignées par des sonorités épurées (La Roche), et de clôturer ainsi une première moitié d’album si formatée que le chant y mériterait parfois sa place (T.M., Stances).
Puis, comme il en a souvent pris l’habitude, Melatonine se lâche pour de bon en signant deux titres flirtant chacun avec le quart d’heure. Le trio prend alors le temps et l’altitude nécessaire pour étirer ses idées, jongler avec les intensités, ou installer durablement sa mélancolie. Autant de preuves que, douze ans après son dernier témoignage, le groupe revient avec la quatrième prescription d’un post rock authentique au possible, définitivement validé par l’oreille protectrice d’un Bob Weston (Shellac) ici en charge du mastering : un ‘petit plus’ pour finir de faire de la différence.
MOWNO
la lecture du Petit Larousse (par précaution, je précise que je n’ai rien contre le Grand Robert) la mélatonine se définit comme « l’hormone sécrétée par l’épiphyse, qui intervient notamment dans la régulation des rythmes biologiques ». Autant vous dire que nous pouvions appréhender un malin stratagème destiné à nous endormir puisque ladite substance est communément appelée hormone du sommeil. Si en parallèle je m’attache au grand dictionnaire du rock, je retrouve étrangement la description qui suit : « Melatonine est un trio post-rock instrumental messin de retour avec Stances, 4ème album puissant gorgé de riffs bruitistes, de distorsions, de notes hypnotiques et de rythmes intenses ». Nous assistons en l’occurrence à un saisissant come-back après 12 années de veille compensées par quelques projets parallèles.
La nouvelle œuvre s’articule en deux mouvements avec une première partie qui fait la part belle à toute une panoplie de saveurs ultra démonstratives alors que la seconde se focalise sur deux pièces qui s’étirent sur la longueur, histoire de laisser les développements prendre totalement leur place au centre de l’espace.
On retiendra une mise en bouche progressive avec Deux Mille Cinq et ses sempiternelles montagnes russes qui font le sel du genre tout en soulevant les cœurs. La trame est, au même titre que l’ensemble neuf, d’une qualité brute, terriblement efficace grâce notamment à quelques bons coups de semonces. T.M qui lui succède s’avère plus tendu, à la force d’une cadence plus sale, la composition étant habilement marquée par une impression d’entrechoc des atomes. A l’inverse, John Walsh pourrait s’apparenter à un cousin éloigné du meilleur de Mogwai, et ceci par le biais d’une attente dans un sas de décompression avant que l’auditeur ne puisse s’engouffrer au sein d’un déploiement électrique majeur, pour une version des plus piquantes d’un ancien titre remodelé par le groupe. Stances qui prête son nom à l’opus (vocable interdit, rappelons-le, depuis la 1ère Convention de La Haye) assène une flopée de grincements inquiétants, des reliefs qui viennent par ricochet teindre le tableau d’une couleur bien plus sombre … Pour ne pas dire angoissante … La Roche clôture le premier chapitre sur une note plus lumineuse, une sorte de dernière absorption d’oxygène avant l’asphyxie !
La puissance ascendante qui émane de Post Scriptum s’opère sur un schéma classique. Ce premier met du banquet final ne déroge pas au dogme via des montées XXL qui retombent subitement avant de rebondir sur des salves venant faire exploser l’altimètre. Melatonine se promène dans un continuel va-et-vient qui frise à l’obsession nourrie par un leitmotiv agonisant. Au titre de la production, il convient de louer ici les qualités du mastering réalisé par Bob Weston permettant d’exalter la matière vibrante ! C’est un véritable bouquet final qui se déploie derrière le mur définitif d’Igl, ses délectations dans le mouvement des basses, des sons sans filtre, des sensations directes, des arpèges délicats, un reflux gonflé de grains, d’apaisement puis de soudainetés viscérales, de duretés redoutables venues étouffer les plages bien plus contemplatives. C’est un luxe crachant des enceintes avec tout un chapelet d’effets aussi authentiques que racés, un nouveau disque qui témoigne d’un bouillonnement final dont le dessein vient accentuer des rétroactions pour un réveil bienvenu.
Addict Culture