Cette période de confinement imposé dure un peu et j’en profite (entre autres) pour rattraper mon retard de ces derniers mois du côté vidéo ludique, conformément aux recommandations de l’OMS !
(bon, ok, ce n’est pas exactement ce que dit l’OMS, mais la lecture du seul titre de l’article a dû apaiser la conscience de nombreux joueurs, j’en profite également)
Je me suis donc attaqué à Detroit : Become Human, le cinquième jeu du studio français Quantic Dream, habitué des jeux marquants, de son premier Omikron : The Nomad Soul en 1999 (dans lequel on pouvait retrouver… David Bowie, et dont tu peux retrouver une critique chez les potes de Nexus VI), à Heavy Rain en 2010. Detroit est sorti en mai 2018, et s’est retrouvé dans les jeux gratuits du mois du PSN l’été dernier, et j’ai donc profité du temps confiné pour le commencer… et le terminer.
L’histoire qui nous est contée ici se déroule en 2038. Les androïdes sont devenue courants, et effectuent toutes les tâches dont les humains se sont ainsi débarrassés : ménage, courses, propreté urbaine, travaux publics… Le jeu est décomposé en chapitres et dès les premiers on comprend que cette situation pose problème à une partie des humains (sur le thème « ils nous volent notre boulot », « ils vont nous remplacer »), tandis que du côté des androïdes certains semblent commencer à ressentir des émotions, notamment la peur d’être désactivé (de mourir, donc). Un questionnement devenu un grand classique depuis Philip K Dick, des réplicants de Blade Runner aux hôtes de Westworld (qui dévoile en ce moment sa troisième saison). Ces émotions sont elles un bug, un virus, ou une véritable évolution ? On ne le saura pas réellement. Mais on dirige le parcours de trois de ces androïdes aux destins au départ assez éloignés (Kara, une employée de maison sous les ordres d’un père de famille violent, Markus, un serviteur d’un peintre renommé, Connor un androïde enquêteur de nouvelle génération, qui enquête justement sur ce qui rend les androïdes « déviants »), mais qui devraient normalement se croiser.
Je dis « normalement », parce que dans Detroit, tout est histoire de choix. On choisit les actions des personnages, de manière régulière, dans une liste de choix déterminés, un peu à la manière d’un Livre dont vous êtes le héros (oui, c’est une ref des années 1980). On ne fait pas que cela, on les déplace également, et les résultats des actions sont régulièrement déterminés par des QTE. Mais le coeur du jeu reste ces choix, et leur résultat sur le déroulement du scénario. Le tour de force de Quantic Dream est de parvenir à aboutir à de nombreux embranchements scénaristiques à chaque chapitre et du même coup à des dizaines de fins potentielles pour les différents personnages. À chaque fin de chapitre est affichée la ligne de choix que l’on a parcouru et un aperçu, masqué, de ce embranchements et des autres voies que l’on aurait pu suivre. Tu peux d’ailleurs retrouver sur le net des centaines de vidéo avec ces différentes fin. Et des tentatives de décryptage de tel ou tel chapitre, démonstration de l’intérêt qu’a pu susciter le jeu.
Et ça fonctionne. D’une part ça fonctionne techniquement malgré la complexité de cette toile scénaristique, et un réalisme visuel très réussi (malgré quelques bugs). Les expressions de personnages, les décors, concourent ainsi à l’immersion. D’autre part, surtout, ça fonctionne émotionnellement. On prend le temps de suivre chaque histoire (les chapitres sont consacrés alternativement à chacun des trois personnages, jusqu’à ce qu’ils se rencontrent), on s’attache peu à peu à ces androïdes. Et ça nous pose alors la même question qu’aux protagonistes du jeu, et notamment Hank, l’inspecteur associé à Connor : alors, ce ne sont que des robots ? Ou à quel moment deviennent ils vraiment humains ? On parle d’intelligence artificielle, mais quid de l’émotion artificielle ?
Le début du jeu est assez fascinant : de nombreuses actions que nous devons faire effectuer à nos personnages sont de l’ordre de la tâche quotidienne (deux d’entre eux sont des employés de maison). Nous sommes donc incités par une console de jeu à faire effectuer à des personnages virtuels des tâches à l’aide de QTE… mais alors, ne sommes nous pas tout autant les robots dans l’histoire ? Une mise en abîme, un glissement régulier sur cette zone de flou entre humains et robots qui revient ainsi régulièrement. Dès le menu du jeu, d’ailleurs, animé par une androïde qui se pose peu à peu des questions, elle aussi.
Detroit : Become Human est un jeu remarquable. Il m’a accroché dès les premiers chapitres et ne m’a pas lâché jusqu’à son épilogue. Ou plutôt l’un de ses épilogues. Je suis allé jusqu’à faire plusieurs fins (et à en chiner d’autres sur YouTube), pour voir ce qui peut arriver à l’un ou l’autre personnage. J’ai même recommencé Heavy Rain pour voir si c’était aussi bien. Mais il me semble que la thématique des androïdes (le fond) rejoint ici tellement la technique du jeu, avec ces choix d’embranchements (la forme) qu’il sera difficile de retrouver cette cohérence.
Si tu as l’occasion de te lancer dans cette aventure (une quinzaine d’heures à vue de nez), n’hésite pas.
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