Nous ne sommes qu’au début du printemps. Et dans une période de confinement qui est sans doute encore amenée à durer, l’été peut nous sembler encore bien loin. Pour ceux qui préparent les festivités qui habituellement s’y déroulent il est pourtant tout proche. Et la question de savoir s’ils doivent s’orienter vers un report, une annulation pure et simple est cruciale dès à présent.
Aujourd’hui, le maintien des festivals d’été à la lumière de notre vie confinée du moment semble très optimiste. Comme nous en devisions avec un ami il y’a quelques jours, comment penser qu’on va passer sans transition d’une situation où sortir ses poubelles relève de l’aventure extrême, à l’enthousiasme de se rendre sur un site qui accueille des milliers de personnes, sur lequel il faut faire la queue pour accéder à des toilettes ou à un point d’eau ? D’ailleurs, la sortie de confinement telle qu’envisagée en Italie devrait être graduelle, comme l’indique cet article du Monde :
« Les bars, restaurants, discothèques ou salles de sport seront les derniers à rouvrir et, le moment venu, il est probable que leurs propriétaires devront prévoir une distance de sécurité d’au mois un mètre entre leurs clients de même qu’avec leur personnel. »
Tant que cette « distanciation sociale » sera de mise, et même si l’on pourra faire preuve d’imagination pour penser des formes alternatives de relation aux spectacles, aux concerts, il est très probable que sous leur forme actuelle, l’essentiel des festivals d’été ne pourront se tenir. Même si l’on partait de manière optimiste sur un retour à la normale pendant l’été (on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise), l’annulation de dernière minute est un risque que les structures qui organisent les festivals, souvent déjà sur un équilibre budgétaire précaire, ne peuvent pas se permettre. Alors pourquoi ne pas annoncer purement et simplement l’annulation ?
C’est là où ça se complique : les organisateurs ont besoin que ce soient les gouvernements qui imposent l’annulation. La question est là aussi, évidemment budgétaire. Et seuls les cas de force majeure pourraient permettre certaines renégociations, comme l’indique Jérôme Tréhorel, le directeur des Vieilles Charrues, chez France 3 Bretagne :
« La prolongation de l’interdiction des grands rassemblements permettra peut-être, si le cas de force majeure est retenu, de négocier certaines choses. »
Du côté du Hellfest (Clisson, 19 au 21 juin), Ben Barbaud est encore plus clair dans Ouest France :
« On passe pour des cons devant les festivaliers qui ne comprennent pas pourquoi, au Hellfest, on n’a pas annoncé l’annulation. Mais on ne peut pas. La prolongation de l’interdiction par le gouvernement nous permettrait de faire marcher la clause de force majeure sur nos contrats artistes. Et donc de justifier l’annulation. Si je prends seul la décision, les artistes pourront me le reprocher et je devrais les payer, ça peut monter à une dizaine de millions d’euros. Il faut que l’État se positionne. Plus les jours passent plus on perd de l’argent. »
Et on pense là aussi aux prestataires et aux intermittents, sans lesquels les évènements culturels ne pourraient se dérouler, et qui vont devoir tenir avec l’éventualité de cette saison blanche. Yann Bieuzent, directeur du festival Les trois éléphants (Laval, 22-26 mai) l’évoque chez France 3 Pays de la Loire : « Pour les sociétés avec qui on n’avait pas encore signé de devis, c’est prendre l’engagement de travailler avec eux en 2021. Pour les plus fragiles, ne pas réclamer le remboursement des acomptes déjà versés. Pour les intermittents, on attend le décret qui ouvrira les droits au chômage partiel. »
Et les assurances, me diras tu ? Eh bien autant dire que ce n’est pas gagné. « Les pandémies ne sont pas prévues dans les contrats », du côté Jérôme Tréhorel (Vieilles Charrues). Et du côté du Hellfest, Ben Baraud dans Ouest France, toujours aussi cash : « Nous avons eu la chance début décembre 2019 – tous les festivals n’ont pas la trésorerie – de signer de manière anticipée un contrat d’assurance à hauteur de 200 000 €. Il comprenait une clause d’annulation prévoyant la prise en charge des frais du Hellfest en cas de pandémie. Quand on les a rappelés au début de l’épidémie, ils nous ont juste envoyé un courrier pour nous dire qu’ils avaient trouvé une faille. Que cette épidémie ne serait pas couverte car il s’agissait d’une pneumonie atypique et qu’un paragraphe dans leur clause stipulait que ces dernières n’étaient pas couvertes… C’est une honte, c’est du vol ! ».
Alors qu’attend on du côté de l’Etat pour « arrêter l’hémorragie » comme le demande Ben Barraud ? Sans doute n’est ce pas simple de communiquer sur les festivals d’été là où la stratégie n’est même pas encore d’évoquer l’après : « La commande de Matignon et de l’Elysée, c’est d’être à 100 % dans la crise. La crise, la crise, la crise » (Coronavirus : l’exécutif confronté à une interminable sortie de crise dans le Monde). Et évidemment annoncer des annulations de festivals n’apparaîtrait pas comme un signal très positif pour l’après en question.
C’est du côté de la Belgique que les premières annonces pourraient arriver. Ce lundi matin, le ministre de l’Intérieur belge, Pieter De Crem, expliquait sur la RTBF que les bourgmestres des communes de Werchter et Aarstelaar (commune voisine d’où se déroule Tomorrowland) avaient évoqué l’annulation des festivals prévus cet été. Du côté des festivals, toujours pas d’annonce officielle, bien entendu. Et là aussi, une attente des instructions du Conseil national de sécurité.
Une attente qui se mue, pour les organisateurs, en une impatience bien compréhensible.
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