Il y a deux semaines, je postais ici même la chronique que j’avais pu faire sur RCF en évoquant la reprise timide des concerts, et le festival « Les irréels » qui devait se dérouler à l’Aérogare il y a quelques jours. Depuis, la situation sur le plan de l’épidémie s’est largement dégradée, le festival en question a été annulé, montrant au passage la justesse de son nom, dans l’époque : irréel.
Mais plus encore que ce terme, la soirée d’hier m’évoque celui d’absurde. Hier donc, j’étais au concert de Kompromat, à la BAM. Il se trouve que la Moselle n’est pas encore passée au stade du confinement nocturne et que la Cité musicale-Metz a pu maintenir un certain nombre de ses représentations, dont celle-ci, en respectant les consignes sanitaires.
Kompromat, c’est le duo formé par la machine à danser qu’est Vitalic, et Rebeka Warrior, dont le talent et l’énergie surprennent à chaque projet (de Mansfield TYA à Sexy Sushi). Ici on a le meilleur des deux : une électro puissante, le tonus du chant (en allemand), un ensemble à l’efficacité redoutable qui semble taillé pour les plus grand dancefloor du monde.
En face, les consignes sanitaires sont de rester assis, masqués, avec un siège entre chaque groupe de personnes venus ensemble. Le décalage est immense et provoque ce sentiment d’absurdité.
Bien entendu, cela n’a rien d’insupportable, et je pense même que les consignes sont légères face à ce qui s’annonce dans les semaines qui viennent. Mais le décalage reste immense.
Entendons-nous : je pense que c’est une bonne chose de maintenir ces concerts, jusqu’au bout. De permettre à des artistes de jouer : hier en allant jusqu’à décomposer le même concert en deux séances consécutives pour pouvoir accueillir le public… bravo la Cité Musicale et chapeau bas à Kompromat. De permettre à du public de les voir autrement que sur un écran (je te mets quand même ci-dessous le très bon concert donné par Kompromat à la Cigale l’an dernier pour te faire une idée). Et je pense que toutes les personnes qui ont eu la chance d’être présentes hier ont passé un beau moment. Ce live est indéniablement excellent.
Dans le même temps, je pense que chacun.e hier a ressenti la frustration de ne pas pouvoir danser; de ne pas pouvoir aller chercher une bière au bar pour croiser des gens avant de revenir en salle; de ne pas pouvoir passer d’un côté à l’autre de la scène, pour voir le concert différemment; de ne pas pouvoir voir les sourires du public; de simplement ne pas pouvoir se lever; de se remémorer des soirées sur le dancefloor, en ayant une pensée pour les clubs et discothèques fermées depuis mars; de rentrer, forcément, chez soi en sortant du concert
, plus aucun espace public n’étant ouvert à 22h.
Simplement je pense que chacun.e hier à un moment de la soirée s’est dit « mais qu’est ce que je fais là ? ».
« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites. » écrivait Camus. Hier je constatais l’absurdité de ma soirée. Et nous en sommes là je crois, à constater l’absurde de cette année dont on attend qu’elle se termine.
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